Ups and downs
En Australie, après chaque rendez-vous avec le chirurgien, j’ai vue une Breast Cancer nurse, une infirmière spécialisée dans le cancer du sein. Toujours très sympa, intéressée et souriante – mais pas trop joyeuse non plus.
Elle est là pour expliquer un peu plus en détail les processus, prévenir de ce qui va ou risque de se passer, donner des informations.
La première fois, j’étais super positive. C’était un bébé cancer, après tout. On me laisserait choisir mes options, et j’allais pouvoir m’en tirer avec un petit creux dans le seins et quelques séances de rayons. Rien à voir avec a copine Carole, ses deux cancers, ses cheveux tombés, repoussés, retombés, son sein en moins, ses batailles contre le corps médical, sa chimio, son traitement quotidien. Ou avec ma tante, et ses deux seins en moins, deux cancers aussi, ses chimios, ses cheveux qui tombent et son épuisement.
Elles étaient des guerrières et moi, une combattante de bac à sable.
Elle m’a prévenue que j’aurait des hauts et des bas, même si j’étais positive et déterminée. Ups and downs, ils disent, ici.

Je n’y échappe pas, tu penses bien, surtout avec la perspective de voir disparaître mes deux précieux.
Mais je lutte et je surmonte.
Des années de lecture de Développement personnel m’ont appris à identifier ce qui m’intéresse (mais contre lequel je ne peux rien) et ce qui me concerne (ce que je peux changer).
L’idée, c’est de ne pas gaspiller d’énergie à s’occuper de ce qu’on ne peut pas changer et de se focaliser sur ce qu’on peut changer.
Pas besoin d’avoir un cancer pour ça : le connard sur la route qui s’est rabattu un peu sèchement devant toi et contre lequel tu pestes pendant 20 minutes, pour arriver énervé à ton rendez-vous et bugner ta voiture parce que, trop énervé, tu n’a pas fait attention à cette bitte en pierre astucieusement cachée exprès pour que les automobilistes se la prennent – à croire qu’elle a été sponsorisée par le garage du coin. Ton rendez-vous s’est mal passé, oui oui, normal, j’étais super énervée à cause de ce connard…
On ne peut pas contrôler tout ce qui nous arrive, mais on peut choisir quelle attitude adopter face à ce qui nous apparaît comme des coups du sort.
Le connard sur la route ? Tu lèves le pied, tu le laisses prendre un peu de distance et tu chantes dans ta voiture. Ton rendez-vous s’est bien passé, oui oui, nickel, j’étais bien détendue en arrivant.
C’est pareil pour tout. Et ce sera pareil pour mon cancer.
Je refuse de me laisser envahir par toutes ces pensées inutiles qui viennent se percher sur mon épaule. Genre :
- pourquoi moi ?
- je ne serai plus jamais belle toute nue
- je n’aurai plus jamais de vie normale
- si j’avais su
- si j’avais pu
- et si je contestais l’opération ?
- et si j’essayais de sauver un sein ?
- et si le résultat était une boucherie ?
- je ne ressemblerai plus jamais à rien
- je ne sentirai plus jamais “la douceur du sein dans la main, la douceur de cette main” (une de mes phrases préférées de Duras)
Non, ce n’est pas normal, pas juste peut-être (mais est-ce que quelqu’un mériterait plus que moi d’être malade ? ), oui, ma vie va définitivement changer après ça, parce que pendant des mois ou des années, elle sera rythmée par des examens, des opérations, des traitements plus ou moins lourds, mon corps ne sera plus jamais le même et je vais perdre beaucoup de ce que j’ai aujourd’hui.
Je ne peux rien y faire. Le cancer est là et sa réalité restreint mon avenir.
Avoir accepté ce simple fait m’a libérée. Soulagée. Je n’ai pas à me battre contre ce que je ne peux pas changer. Je n’ai pas à dépenser mon énergie sur ce que je ne peux pas changer.
- Etre en colère n’aidera pas
- Etre triste n’aidera pas
- Me lamenter n’aidera pas
- Avoir peur n’aidera pas
- Redouter l’avenir l’aidera pas
A la place, je peux choisir quelle attitude je vais adopter face à cette catastrophe qui a tendance à réorganiser ma vie, mes priorités, mon quotidien.
Un premier objectif : accepter
Est-ce un bien, est-ce un mal ? Conte chinois attribué à Lao Tseu
Il était une fois un vieux sage habitant dans une contrée isolée; il possédait un cheval, son seul outil de travail et son seul moyen de communication avec ses lointains voisins.
Un matin, se levant pour travailler aux champs, quelle ne fut pas sa surprise quand il se rendit compte que son cheval avait disparu.
Ce n’est que bien plus tard que ses voisins vinrent lui rendre visite craignant qu’il ne lui soit arrivé quelque chose de grave.
Quand ils apprirent que son cheval avait disparu, ils se mirent à le plaindre : « C’est un grand malheur pour toi; perdre ton cheval, ton seul moyen de locomotion. Tu dois être triste et désespéré ».
Le sage répondit : « Il n’y a aucune raison de se désespérer, ce qui m’arrive n’est pas réjouissant bien sûr; cela m’oblige à m’isoler un peu plus et surtout à changer mes habitudes de travail; mais le ciel en a décidé ainsi; est-ce un bien, est-ce un mal? L’avenir nous le dira ».
Plusieurs semaines passèrent. Un matin, alors que notre vieux sage allait se rendre au champ, quelle ne fut pas sa surprise de voir son cheval de retour, qui plus est, avec une jument et une dizaine d’autres chevaux.
Quand ses voisins apprirent cela, ils vinrent à nouveau lui rendre visite, et lui dirent : « Que tu es sage, vieil homme, que ta philosophie est riche; tu avais raison l’autre jour de ne pas te morfondre lorsque ton cheval avait disparu. Tu dois être maintenant le plus heureux des hommes; te voilà le plus riche de la contrée avec cette horde de chevaux ».
Le sage de répondre: « Bien sûr que je suis content; mais ce n’est pas pour cela que je vais changer mes habitudes ou sombrer dans la facilité, je considère cela comme un don du ciel; est-ce un bien, est-ce un mal ? l’avenir nous le dira ».
Quelques semaines passèrent quand le vieil homme reçut la visite de son petit-fils; ce garçon jeune et impétueux voulut monter l’un des chevaux sauvages; celui-ci se cabra et le jeune homme se cassa la jambe dans sa chute.
De nouveau les voisins revinrent le voir et lui dirent : « C’est encore toi qui avais raison, vieil homme; tu avais raison de ne pas trop te réjouir de ce qui venait de t’arriver, tu es maintenant dans le malheur. A cause de toi et de tes chevaux, ton petit-fils vient de se casser la jambe. Tu dois te sentir profondément coupable ».Le sage leur répondit : « J’ai été effectivement affecté par la chute de mon petit-fils, mais sans plus. Je ne suis pas maître de sa destinée, et s’il était écrit dans le grand livre que cet accident devait avoir lieu, cela aurait pu lui arriver n’importe où ailleurs; dans le désert par exemple : c’était alors la mort assurée. Je ne me sens en aucune façon responsable, ce qui ne m’empêche pas de l’aider et de le soigner » .
Sur ces entrefaites, une guerre éclate entre deux contrées rivales; tous les jeunes furent enrôlés de force; la violence de la bataille entraîna un terrible massacre. Seul le petit-fils en réchappa, n’ayant pas été enrôlé à cause de sa jambe cassée. Le vieux sage avait eu une nouvelle fois raison.
février 22, 2020 @ 9:08
Ce conte chinois de lao tseu est incroyable….quelle sagesse!
👌👌👌👌
février 23, 2020 @ 9:09
C’est mon motto, depuis … longtemps 🙂
Avancer – La plus forte
mars 25, 2020 @ 7:10
[…] et peut-être en lien avec le conte que j’ai posté il y a quelque temps , c’est aussi une attitude qui m’aide à gérer ce qui s’est abattu ces derniers […]