Après
APRES Ce qui ne te tue pas te rend plus forte, il parait
Alors voilà, tu arrives à la fin des traitements lourds. Tu es techniquement guérie, on te donne du Tamoxifen pour réduire les récidives et tout le monde est soulagé pour toi.
La vie va pouvoir reprendre son cours.
Tu vas pouvoir recommencer à courir/sortir/faire du shopping/ce que tu veux.
Sauf que non. Sauf que non, ça n’est pas du tout comme ça que ça se passe dans ta tête. Pour un peu, tu voudrais revenir en arrière, quand tu allais toutes les semaines ou toutes les trois semaines subir ta chimio, quand tu pleurais ta race de douleur dans ton lit, quand tu avais la bouche pleine d’ulcères.
Tout pour échapper à la fausse joie des autres, qui sont sincèrement heureux, parce qu’ils pensent que ton calvaire prend fin.
Erreur. Erreur, c’est peut-être la partie la plus difficile qui vient de commencer.
Ce qui ne tue pas te rend plus forte, parait-il. Le problème, c’est que tu commences à te demander, si tout ça, ça ne t’a pas tuée, en fait. D’une certaine façon.
Entre le diagnostic et les traitements, tu es entrainée dans une sorte de tourbillon, ce mélange d’attente et d’accélérations. Puis c’est la période lourde, opérations, rayons, chimio. Il y a un rythme à tout ça, une espèce d’habitude mortifère qui se crée.
Pendant toute cette période difficile, tu as les yeux rivés sur l’horizon, le bout du tunnel, la ligne d’arrivée. Ce moment où tu termineras tous ces traitements nécessaires mais débilitants.
Ton corps s’est dégradé, ton image se brouille, mais on ne s’occupe pas des cicatrices pendant le combat. C’est normal, tu es une K-fighteuse et un jour, ça va s’arrêter, tu le sais.
Ce jour arrive, tu le célèbres, puis les jours passent et tu es perdue.
Quand il n'y en a plus, il y en a encore Fais en une force
Tu n’as plus d’horizon ni de bout de tunnel à fixer des yeux pendant que tu serres les dents, le bout du tunnel tu y es.
Enfin, il parait.
L’après traitement est pour beaucoup d’entre nous une période difficile et douloureuse. Je n’y étais pas préparée et elle est arrivée comme un mur dans ma vie. Et je courais comme une folle pour sortir de cette période pourrie.
Ce qui est difficile, évidemment, c’est que cette sale période arrive à un moment où, physiquement, on te voit remonter la pente. Tes cheveux repoussent, tout le monde autour de toi pense que ça ne peut qu’aller mieux.
Et toi, ce que tu vois, c’est ce qui n’est plus.
D’habitude, quand on est malade, on est malade, puis on guérit. On revient où on en était.
Avec le cancer, ça ne se passe pas comme ça. Tu ne reviendras jamais où tu étais.
Ce qui est incroyablement difficile, au moment où tout s’arrête, c’est d’être confrontée, brusquement, à la réalité de l’après traitement. Soudain, tu comprends les “anciennes” qui t’ont dit “il y a un avant et un après”. Toutes ces blessures, qui sont pour toujours, toutes ces sensations que tu n’éprouveras plus jamais, “la douceur du sein dans la main, la douceur de cette main” – c’est fini. Ton corps, irrémédiablement diminué -. La fatigue qui te saisit au matin, contre laquelle tu ne peux rien, même si tu luttes de toutes tes forces. Les mots qui t’échappent. Tout ce que tu oublies, tout le temps, partout.
Maintenant que tu n’es plus dans le “combat”, maintenant que toute ton énergie n’est plus dirigée vers un seul objectif (guérir et surmonter les traitements), tu constates l’étendue des dégâts.
A discuter avec d’autres filles qui sont passées par là, je me rends compte que nous sommes beaucoup qui avons probablement plus souffert après que pendant. C’est pour toi qui n’es pas encore passée par là que j’écris ça.
Prépare-toi.
Prépare-toi, parce que quand c’est fini, il y en a encore.
Mais comme le reste, on en sort.
En ne renonçant pas, en s’obstinant à bouger, même pas beaucoup, même d’un cil, en sachant que demain, on pourra faire un peu mieux, puis un peu mieux.
En comprenant que tout ce qu’on perd physiquement, toute cette gigantesque, prodigieuse perte de capacités physique sera contrebalancée, si tu le choisis, par des bénéfices psychologiques que tu ne soupçonnes peut-être pas encore.
Fais toi aider, ne reste pas seule, parle, pleure, prie, pirouette, progresse.
Et continue d’avancer, la tête haute.
novembre 12, 2020 @ 10:52
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